Bientôt, sur ce blog, vous trouverez des portraits de marcheurs et marcheuses. Cette série aurait pu s’intituler « J’écris comme je marche ». Mais n’est pas André Du Bouchet* qui veut et la réalité est plus complexe que cela. Si les écrivains et artistes sont nombreux à pratiquer la marche, adoptent-ils pour autant une écriture de la marche ? J’aimerais savoir ce que marcher veut dire pour eux, comment et pourquoi marchent-ils.

Pieds nus en l'air devant la montagne enneigée et le ciel bleu.

*« J’écris comme on marche — à l’aveuglette, même en plein jour 
Comme on va devant soi, sans songer même à marcher »

André Du Bouchet, Carnet, Fata Morgana, 1994.

Je vais tenter un rapprochement entre marches, démarches et écriture, car deux questions m’accompagnent depuis longtemps.

☞ Est-ce que marcher quotidiennement influence sa manière d’écrire ?

☞ Est-ce qu’en tant que lecteur, on peut repérer des traces de marcheur dans une œuvre ?

Dis-moi comment tu marches

Je constate le nombre important de marcheurs se trouvant chez les écrivains et artistes de tout poil et quand je pense à eux, j’ai envie de leur dire : Dis-moi comment tu marches et… Et c’est tout. Pas de suite. Dis-moi comment tu marches et je ne te dirai rien. Cela suffit de jouer les devins !

Par contre, j’aimerais en savoir plus sur leur pratique.

❊ Comment marche et création cohabitent-elles ? Et pourquoi ?
❊ Marchent-ils pour contrebalancer le manque d’exercice quand, durant des heures, ils s’échinent à trouver le mot juste ?
❊ Est-ce pour prendre l’air quand la tête est en surchauffe ?
❊ Ou bien trouvent-ils quelque chose dans l’exercice de la marche qu’ils ne trouveraient pas en restant assis ?

Nietzsche, avec sa pondération habituelle, écrivait dans Crépuscule des Idoles :

« Être cul-de-plomb, voilà, par excellence, le péché contre l’esprit ! Seules les pensées que l’on a en marchant valent quelque chose » 

Je n’irai pas jusque-là. Et sans avoir à fustiger les « assis », comme Rimbaud, j’aimerais observer les « debout », les « en marche » (Pfff… Est-il encore possible d’employer cette locution ?).

La meilleure façon de marcher…

Comme vous le savez, il existe plusieurs manières de marcher.

✓ Il y a la marche lente de la promenade, qui ne demande que très peu d’efforts physiques.
✓ Il y a la marche sportive, ses règles à respecter et son but précis : arriver le plus vite possible.
✓ Il y a l’errance, ce voyage sans but ni fin.
✓ Il y a la marche d’expédition de l’aventurier ou du scientifique (qui sont parfois une même personne).
✓ Ou encore le pèlerinage, la marche de protestation, la marche silencieuse, etc.

Nanti, sportif, vagabond, scientifique, aventurier, fidèle, syndicaliste, tous marchent, mais leurs pratiques sont foncièrement différentes.

La promenade semble être la forme de marche la plus courante chez les écrivains. D’un pas lent et dans un environnement familier, elle permet, sans avoir à surveiller chaque pas, de s’abandonner tout entier à la rêverie et de ruminer des souvenirs ou des phrases mal ajustées, qui manqueraient d’aplomb. Le ressassement de l’œuvre en gestation et la marche s’effectuent alors d’un même souffle.

L’écriture de la marche

Je commencerai cette série par quelques auteurs morts (plus faciles à interviewer).

Ainsi, nous verrons :

Et s’ensuivront les vivants !

Si vous en connaissez, mettez-moi en commentaire ⬇️ des écrivains ou artistes contemporains qui marchent beaucoup. Je vous dirai s’ils font déjà partie de ma liste. 😉

Un peu de lecture ?

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Cet article a 9 commentaires

  1. Caroline Gallien

    Bonjour, beau sujet!
    Je pense à Modiano, dont les romans sont tous liés à un Paris arpenté, rêvé, traversé et silloné à l’infini, l’espace et le temps devenant souvent le sujet même du livre.
    Je pense à Jacques Réda, promeneur et « écriveur » comme il se définit, grand poète de Paris lui aussi mais également de la banlieue dans « Hors les murs », recueil où nous lui emboîtons le pas dans les départements périphériques, de l’Essonne à la Seine-et-Marne qui ne font en général rêver personne mais où son regard flâne avec humour et bonne humeur.
    Je pense à Jean Rolin dont le tout dernier livre s’intitule « La traversée de Bondoufle » (pas encore lu) et qui marche lui aussi dans la zone floue des villes de banlieue, guettant les traces de la campagne rongée par l’urbain – sorte d’éloge paradoxal de ces lieux bien oubliés des guides de rando…
    Ils sont tous les trois bien vivants, aux dernières nouvelles!
    Quant à Rimbaud, il l’est aussi, bien sûr et for ever. Vous proposez pour lui le mot ‘errance’, mais (si je puis me.permettre) je trouve qu’il est plutôt ‘fugueur’: la fugue plus que l’errance, à mon sens, parce qu’il part pour fuir des choses et pour en chercher d’autres, se veut voleur de feu.. Il est celui qui passe son temps à marcher pour s’en aller, Arthur. Vers un idéal, une muse, une auberge à la Grande Ourse, des voyelles vertes et rouges, etc. Il ne flâne pas, il court! ( dans « Ma bohème » les verbes sont de mémoire archi dynamiques).
    Bien à vous,
    Caroline

    1. l'accent

      Merci Caroline pour ce message plein de bonnes choses. Oui, l’errance chez Rimbaud est forcenée. Bien entendu qu’il ne flâne pas. Dynamique et dynamite ! Je publie un petit article sur ce sujet bientôt. Nous aurons l’occasion d’en reparler. Quant aux suggestions d’auteurs, je note. Il s’agit de 3 marcheurs urbains. Ma géographie intérieure (et extérieure !) me porte plutôt vers les marcheurs et marcheuses de montagne, ou en tout cas de pleine nature, mais nombreux sont les arpenteurs urbains, il ne faut pas les oublier.

      1. Caroline Gallien

        Alors, Jacques Réda dans ‘Hors les murs’ vous plaira surtout. Il sort de la ville et, de fait, la nature est en embuscade là où on ne l’attend plus, reprenant malicieusement ses droits au détour du béton. D’une manière générale, la banlieue est un espace surprenant à parcourir, et quand on n’a que ça… ( les confinements ont au moins eu ce mérite de faire re-découvrir des sentiers de proximité: s’ouvrent alors parfois de bien charmantes brèches).

  2. David

    Bonsoir Émilie,
    Voilà un sujet bien passionnant.
    Je reste convaincu qu’il fera écho chez bon nombre.
    Dans la catégorie des vivants je propose Sylvain Tesson au risque de m’attirer des foudres…
    Chez les morts (quoique…), Jésus pratiquait aussi beaucoup !
    Bien à toi
    David

    1. l'accent

      Ah ! Ah ! J’ai pas le 06 de JC. Quant à Sylvain Tesson, aucun problème, c’est un très bon écrivain. Je note. 😉

  3. Dimitri

    Coucou Émilie,
    J’ai hâte de découvrir cette série de portraits de marcheurs, l’intro fait envie !
    Pascal Dessaint fait partie de ces marcheurs et il en parle très bien dans Vers la beauté, toujours !

    A bientôt de te lire.

    Dimitri

    1. l'accent

      Salut Dimitri, merci pour ton message. Tu m’en avais parlé et tu fais bien de me le redire, car cette information était sortie de ma tête. Je vois qu’il est publié par Salamandre, je devrais pouvoir remonter le fil 😉. Affaire à suivre (mais pas tout de suite).

      1. Caroline Gallien

        Alors, Jacques Réda dans ‘Hors les murs’ vous plaira surtout. Il sort de la ville et, de fait, la nature est en embuscade là où on ne l’attend plus, reprenant malicieusement ses droits au détour du béton. D’une manière générale, la banlieue est un espace surprenant à parcourir, et quand on n’a que ça… ( les confinements ont au moins eu ce mérite de faire re-découvrir des sentiers de proximité: s’ouvrent alors parfois de bien charmantes brèches).

        1. l'accent

          J’ajoute ce Hors les murs que je n’ai pas lu. Je ne me rappelle plus si j’avais lu Le Sens de la marche ou Recommandations aux promeneurs, mais j’avais beaucoup aimé.