Il m’en a fallu du temps pour venir à bout de ce livre à l’atmosphère étrange. Non pas qu’il soit long ni ennuyeux, mais plutôt que les mots s’échappent constamment de la page, ils débordent. L’Arrachée belle : premier roman envoûtant de Lou Darsan.

L’Arrachée belle ou l’écriture sauvage
« Presque toutes les nuits, elle accouche de chatons qu’elle oublie dans un casier. »
C’est avec une phrase pareille que l’on se couche tard. On connaît les page turners qui ne vous laissent pas reprendre votre respiration ni régler votre dette de sommeil, mais ce livre-là est d’un tout autre acabit. Il tient de la poésie en ceci qu’il a besoin d’espace. Il exige des arrêts prolongés. Certaines phrases demandent à être remâchées et certaines images peuvent infuser longtemps.
« Chaque fleuve qu’elle franchit rapproche les montagnes et espace les villes. »
Les descriptions sont écrites au scalpel. On y est, on prend son temps pour retenir l’instant, celui du déploiement des phrases. Et pourtant, il s’agit d’une fuite, d’un ensauvagement superbe et volontaire. Et la fuite en avant se transforme en fuite en dedans lorsque le personnage pénètre la matière jusqu’à la fusion.
« Dans le néant, elle est caverne. »
Plus on avance dans le récit, plus le personnage se déleste. C’est aussi l’expérience du dénuement et d’une quête de la liberté, celle qui vous fait exister vraiment.
« Elle a vaincu la nuit en laissant le réel museler l’imagination. »
L’Arrachée belle est le premier roman de Lou Darsan.
Si vous avez aimé Le Mur invisible de Marlen Haushofer, je vous conseille vivement ce roman.